8 mai 2013 à Gilly
La Journée Internationale de la Sage-femme a permis aux étudiants, aux enseignants et aux professionnels de la spécialisation de réfléchir sur l’événement fondateur de toute vie humaine : la naissance.
Les attentes des futurs parents et l’idée qu’ils se font de l’accueil de leur enfant peuvent les guider dans les décisions qu’ils prendront tout au long de la grossesse et, naturellement, en ce qui concerne les modalités mêmes de l’accouchement.
Dans nos sociétés occidentales, quelque 90 % des accouchements se déroulent dans un service de soins médicaux. L’accouchement est d’ailleurs la première cause d’hospitalisation des femmes en âge de procréer.
Cependant, même en Occident, les femmes ne souhaitent pas toujours donner la vie au sein d’une structure hospitalière. En Europe, les chiffres sont, en soi, déjà explicites : 96 % des accouchements en Belgique pour 67 % aux Pays-Bas. Il en va de même pour les maisons de naissance (maison ou partie de maison tenue par des sages-femmes ne faisant pas partie d’un hôpital mais s’en trouvant proche géographiquement) : si ce type de pratique reste marginal dans certains pays, d’autres encouragent cette initiative et tentent de la rendre accessible.
Historique
Pendant des millénaires, la naissance a été un événement essentiellement féminin : la femme est entourée et aidée par d’autres femmes (mère, sœurs aînées, voisines, etc.). Une femme plus expérimentée (car plus âgée et ayant donc davantage d’expérience), la matrone, est également présente pour accompagner l’accouchement qui se déroule au domicile, dans la pièce de vie, c’est-à-dire la pièce la plus chaude de la maison.
Il s’agissait, en fait, d’un événement risqué qui sous-tendait même le dilemme suivant : qui allait survivre ? La femme ? L’enfant ? Le taux de mortalité était, on le sait, particulièrement élevé.
Puis, à partir du XVIIe siècle, les femmes de la noblesse et de la bourgeoisie font appel à des chirurgiens-accoucheurs. Des hommes. Des hommes qui représentent la force et la sécurité. Des hommes qui manipulent des instruments médicaux.
Cette pratique s’est étendue par la suite à l’ensemble des classes sociales et l’on a assisté à un déplacement du lieu de naissance du domicile vers l’hôpital. Dans ce cadre également, le rôle de la matrone a nettement diminué : elle est devenue l’assistante de l’obstétricien.
L’hôpital, des conditions idéales ?
Avec le déplacement du lieu de naissance, d’autres modalités d’accouchement voient le jour : adoption de la position couchée sur le dos (permettant au professionnel un accès facile), isolement de la femme (seul le mari peut accompagner désormais), actes chirurgicaux devenus monnaie courante (péridurale, épisiotomie, forceps, ventouses, etc.). Mais l’élément essentiel est que la femme, dans ce contexte, est devenue totalement passive et subit, en quelque sorte, son accouchement. Elle est dépossédée. Dépossédée d’elle-même et de son corps. Dépossédée aussi de son enfant. Elle n’accouche plus. Elle se fait accoucher.
Une société sécuritaire
Paradoxalement, la sécurité de l’hôpital a engendré une montée en flèche de l’inquiétude et de l’angoisse.
« Le souci c’est que, dès qu’il y a un problème, qu’une naissance se passe mal, on généralise et on augmente la médicalisation et les interventions. C’est parce qu’on n’accepte plus l’échec, on pense que la médecine est toute-puissance, on accepte difficilement de ne pas avoir de solution quand un accouchement ne se passe pas bien. Pourtant, on n’arrivera jamais au risque zéro… » (Laurence, sage-femme en milieu hospitalier).
On le comprend : alors qu’il est justifié de médicaliser des naissances à risques ou lorsqu’un problème apparaît en cours de grossesse ou pendant le travail, il n’est peut-être pas nécessaire de le faire automatiquement. La plupart des naissances à bas risques peuvent en effet bénéficier de soins de santé primaires.
Une dérive utilitaire
La gestion de la naissance par des moyens médicaux semble permettre aux maternités, souvent surchargées et en sous-effectif, une plus grande efficacité : possibilité de déclencher le travail (pour éviter un accouchement de nuit ou en plein week-end, quand le personnel est en nombre réduit), monitoring fœtal continu (écoute continue du battement du cœur permettant de surveiller la situation à distance sur ordinateur mais de manière impersonnelle), péridurale (rendant la douleur supportable et permettant ainsi à la mère de rester « calme »), possibilité de renforcer des contractions par l’injection d’une hormone de synthèse – l’ocytocine – (pour accélérer le travail), etc.
Et les parents eux-mêmes viennent renforcer ce système. L’hôpital est aussi le lieu où « souffler » un peu. Pouvoir se reposer. Ne pas devoir assurer les tâches quotidiennes.
Enfin, il n’est pas rare que des parents optent pour un déclenchement de convenance (une maternité choisie loin du domicile, la volonté d’accoucher avec un médecin ne travaillant que certains de la semaine, par exemple) qui ne respecte pas le rythme de l’enfant ou de la mère elle-même.
La logique budgétaire
Une naissance représente un budget non négligeable : pour certains hôpitaux, de 300 à 500 euros en chambre commune. A ce forfait de base s’ajoutent les actes médicaux « imprévus » et les honoraires des médecins.
Par contre, les accouchements à domicile ou en maison de naissance ne coûtent quasiment rien, les frais étant presque intégralement remboursés.
Accoucher autrement
Des associations existent pour mieux informer et mieux aiguiller les futurs parents dans leurs choix.
Pour ne faire que les citer, on trouve parmi les alternatives possibles à l’accouchement « classique » : l’accouchement en maison de naissance, à domicile, dans l’eau, l’accouchement à la maternité avec une sage-femme libérale (ayant accès au plateau technique), en polyclinique (retour à la maison le jour même ou le lendemain), l’accompagnement par une douala, une femme qui accompagne et soutient (émotionnellement et physiquement) une autre femme pendant la grossesse, etc.
Conclusion
Si la médicalisation de la naissance a été une grande amélioration en termes de sécurité et de mortalité, elle semble cependant avoir contribué à sa déshumanisation. Certains s’interrogent aujourd’hui sur la nécessité que les accouchements soient médicalisés de façon quasi systématique et cherchent à valoriser d’autres alternatives.
La médicalisation ne doit pas prendre toute la place dans l’événement que représente une naissance et ce, au détriment d’autres aspects riches de sens pour l’individu comme pour la famille.
La naissance est au centre de l’événement familial et sociétal ; il est donc nécessaire de redonner les compétences et le savoir-faire aux parents.
jld
Résumé de la brochure : « Naissance, La médicalisation comme seule option ? », texte de Sandrine Pequet, graphisme : Carine Simon. Service Education permanente Question Santé asbl.
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